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Derrière les équilibres budgétaires de la ville, des déséquilibres fiscaux, sociaux et environnementaux

Derrière les équilibres budgétaires de la ville, des déséquilibres fiscaux, sociaux et environnementaux

Le PTB sur le budget liégeois de 2018

C’est donc le dernier budget de la législature. Le collège est presque euphorique avec son équilibre budgétaire et ses 67 millions d’investissements. On nous martèle que Liège est plus belle et qu’elle le sera encore grâce à ce budget. Mais permettez-moi, mesdames et messieurs les échevins, d’être moins enthousiaste. Derrière vos équilibres budgétaires se cachent de plus en plus de déséquilibres fiscaux, sociaux et environnementaux.

Les déséquilibres fiscaux. Avant toute chose, je veux tordre le coup à cette fable que l’échevin Firket se plaît à raconter : "la fiscalité n’a pas augmenté". C’est faux ! En comparant l’ensemble de la fiscalité locale au budget 2018 à celle aux comptes 2012, on constate une augmentation de 14,9 % en six ans. Le total des recettes, quant à lui, n’a augmenté que de 10,2 %. En clair, la part de la fiscalité locale dans le total des recettes a augmenté. On est passé de 32,5 % des recettes en 2012 à 34,3 % en 2018. Je sais, ça peut être difficile à assumer mais c’est la réalité de vos chiffres, Monsieur Firket. Derrière ces augmentations se cachent des déséquilibres fiscaux. La progressivité de la taxe poubelle n’est toujours pas là. Et l’on continue à faire subir aux familles nombreuses une facture injustement plus élevée. Car ce sont souvent elles qui ont recours aux sacs supplémentaires. La baisse de la partie forfaitaire de la taxe (- 1,121 million d’euros comparé à 2012) est entièrement compensée par la hausse de la partie mobile, c’est-à-dire l’achat des sacs jaunes supplémentaires (+ 1,160 million d’euros comparé à 2012). On a toujours du mal à croire qu’il y ait autant de mauvais trieurs qui justifie de telles sommes. L’usage des sacs biodégradables ne décolle pas et on ne voit pas de mesures venir pour persuader un plus grand nombre de leur utilité. Idem, pour les déchets générés par les commerces, petits et grands. La quantité de déchets ne baisse pas comme les recettes fiscales.

Deuxième déséquilibre fiscal, c’est le stationnement. Sans doute, le collège considère-t-il que les non-Liégeois peuvent bien payer pour l’absence d’un plan de mobilité réfléchi et efficace. En tous les cas, le stationnement a rapporté, comparé à 2012, 74 % de recettes supplémentaires. Et ce sont aussi des Liégeois et des Liégeoises qui ont été mis à contribution. Si l’on ajoute, les 800.000€ d’amendes administratives prévues pour des infractions de roulage, je me dis que le collège doit être heureux du brouhaha que génère la pression automobile à Liège. Quand un budget dépend autant de cette pression automobile, je me dis qu’il sera difficile que ceux qui confectionnent ce budget d’envisager des solutions durables pour réduire cette pression. 

Troisième déséquilibre fiscal, celui du précompte immobilier. La moitié des Liégeois.es propriétaires de leur habitation s’en souviendront. Depuis 2014, les additionnels sont passés de 2 870 à 2 990. Et dans le même temps, on réduit les ambitions de recouvrement de la taxe sur les immeubles bâtis inoccupés ou délabrés en passant de 1,56 million en 2017 à 1,22 million en 2018.

Un dernier déséquilibre fiscal est sans doute le plus injuste socialement : c’est la part relativement faible de la fiscalité locale qui pèse sur les entreprises. Les plans Marshall successifs ont fini par bloquer toute tentative d’aller chercher une juste contribution des entreprises présentes sur le territoire de la ville. La part relative de la taxation des entreprises est toujours d’une stabilité implacable : 29,9% des recettes de la fiscalité locale aux comptes 2012 comme au budget 2018.

Les déséquilibres sociaux. Le premier, et François Ferrara l’a déjà exprimé hier, c’est la dotation du CPAS. Son évolution ne suit pas l’indexation réelle et surtout n’anticipe pas les besoins grandissants de la population la moins favorisée de Liège. Je veux rappeler que, si Liège est plus belle, elle reste une ville très inégalitaire et que votre majorité doit assumer ses responsabilités dans ce constat. Le nombre de « bénéficiaires » du RIS est en augmentation de 23 % en 7 ans. Au 1er janvier 2017, ils sont 11 283. Le taux de risque de pauvreté en Wallonie selon les derniers chiffres de l’IWEPS est de 26,3 %. Si l’on sait que la pauvreté se concentre particulièrement dans les grandes villes, on se dit que Liège est au-dessus de cette moyenne wallonne. Bien sûr, la Ville ne va pas résoudre par elle-seule cette situation. D’autres pouvoirs portent certainement une plus grande responsabilité dans cette précarité galopante. Mais le rôle d’une ville est bien d’assurer une plus grande cohésion sociale et de consacrer les moyens nécessaires pour résorber cette précarité.

Autre déséquilibre social, c’est ce fameux cadre du personnel de 2 889 ETP. Vous vous êtes conformés au plan de gestion conclu avec le CRAC. Et le résultat c’est la perte de 241 postes de travail à la ville de Liège depuis 2010. Au final, on aura supprimé quelques services et on aura augmenté la charge de travail dans nombre d’autres services. Ce n’est pas à Liège que l’on va appliquer le chantier des idées et les 30h/semaine avec embauche compensatoire, Monsieur le bourgmestre. En tous les cas, pas avec vous.

Toujours au niveau du personnel, la question brûlante des pensions risque de grandement hypothéquer les finances communales dans un futur proche. Le Fonds FOURMI fond d’année en année alors que les cotisations de responsabilisation augmentent d’année en année. A lire vos projections quinquennales, je note que vous comptez sur un prêt CRAC chaque année. Prêt qui, je l’imagine, se négociera chèrement et qui imposera à la Ville un nouveau train de mesures d’austérité. D’autant que les montants sont colossaux et atteindront les 61 millions d’euros en 2023 ! Même si vous avez feint la question de Raoul Hedebouw dans un précédent conseil, PS et MR ont tous les deux des responsabilités dans cette situation : le PS pour avoir bloqué les nominations pendant des années et pour n’avoir, ensuite, trouvé comme solution que ces prêts CRAC ; le MR pour avoir aujourd’hui proposé les pensions mixtes aux fonctionnaires qui réduisent de facto le montant de leur pension. Aucun des deux n’a cherché une solution structurelle qui ne fasse pas payer les travailleurs.

 Enfin, des déséquilibres environnementaux. Nous avons entendu l’échevin Schroyen répondre au conseiller Wathelet sur le plan « Carbone » de la Ville. Cinq ans après le premier bilan carbone, autant dire qu’il était temps de s’atteler à un plan d’actions. Si je veux souligner positivement la mise en place d’un tel plan et le choix d’une rénovation ambitieuse de la Cité Administrative, je veux aussi rappeler que nombre de bâtiments scolaires demeure des passoires énergétiques et qu’il manque encore et toujours un vrai plan ambitieux de rénovation de l’ensemble de ces bâtiments. De même, hier soir l’échevin Firket nous tenait un discours presque vert en défendant qu’il n’y avait plus de place à Liège pour le parking et qu’il fallait aller vers des alternatives, mais c’est vous-même qui soutenez la construction d’un nouveau parking de plus de 1000 places devant le CHR, hôpital en plein quartier vert de Sainte-Walburge. Quoi de plus logique, quand il y a une pression automobile si forte, que de faire encore venir des voitures ? Et le plus grand échec environnemental de cette législature restera l’absence d’un plan de mobilité. Nous savons que le processus de confection d’un tel plan a repris. Mais quelle perte de temps et quel gâchis. Aujourd’hui, on décide vite vite d’un corridor vélo place Cockerill pour dire qu’on fait quelque chose pour la mobilité douce mais les p'tits bouts de quai, les p'tits bouts de pistes vélo, les p'tits bouts de piétonnier, cela ne fait pas un vrai plan de mobilité. Ne parlons pas de la mésaventure du tram qui n’est pas prêt de s’achever. La réflexion sur les transports en commun semble aujourd’hui suspendue au parachèvement de ce petit tram de 7 km. Et pendant ce temps-là, on peut continuer à suffoquer aux heures de pointe et à s’énerver sur les files interminables au centre-ville, sur les quais et sur les grands axes du réseau routier. Gaz d’échappement et particules fines en bonus pour tous les Liégeois et toutes les Liégeoises.

 En résumé, le budget se transforme de plus en plus en opération de comm’, particulièrement en cette année pré-électorale. Mais, derrière le fait de vous vanter d’équilibres budgétaires, vous cachez des déséquilibres fiscaux, sociaux et environnementaux. Sans surprise mais avec regret pour les Liégeois et les Liégeoises, nous ne soutenons pas ce budget déséquilibré.