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Réinventer Liège, mais avec toutes les Liégeoises et tous les Liégeois

Réinventer Liège, mais avec toutes les Liégeoises et tous les Liégeois

Réinventer Liège, mais avec toutes et tous!

Les conclusions de l’opération « Réinventer Liège » lancée par la Ville de Liège de mars à juin dernier viennent d’être publiées. Le collège communal a retenu 77 actions qu’il souhaite intégrer dans son projet de ville. Ce lundi, le conseil communal de Liège a débattu de ces conclusions. L’occasion pour Sophie Lecron, cheffe de groupe PTB+, d’exprimer son avis sur cette démarche et sur ses résultats.

Comme parti de gauche authentique, nous considérons que la démocratie ne se limite pas à noircir une case sur un bulletin de vote tous les six ans. Nous soutenons donc naturellement tout ce qui offre la possibilité aux citoyen.ne.s de s’impliquer dans la vie de la cité et tout ce qui leur donne l’occasion de participer à la prise de décision. Dans ce sens, cette initiative de réinventer Liège en faisant appel à la participation des Liégeois et des Liégeoises est louable. Même s’il aura fallu presque vingt ans à cette vieille majorité communale pour avoir enfin confiance en la créativité des Liégeois.es, si cette opération sent le coup de pub que la majorité communale s’offre en vue des élections communales qui arrivent, les projets soumis directement par les citoyen.ne.s sur la plateforme témoignent d’une grande richesse et d’un foisonnement d’idées qui font plaisir à voir. Nous sommes aussi contents de voir que des propositions que nous avons portées ici-même au conseil communal aient reçu une certaine adhésion et soient reprises dans les 77 actions finales : Moins de publicité dans l’espace public, la retransmission audiovisuelle des conseils communaux et surtout la confection d’un budget participatif qui a fait l’objet de notre premier amendement budgétaire à ce conseil en 2013 déjà. Cette démarche, née au Brésil dans les années 80, permet d'inventer une nouvelle culture politique et d'accentuer le sens de la citoyenneté active. A titre d'exemple, la ville de Porto Alegre, qui compte 1,42 millions d’habitants, procède de la sorte. L’expérience du BP, au Brésil, témoigne d’un grand potentiel d’innovations et de corrections, le dispositif s’améliorant sans cesse et même des alternatives voient le jour, comme un BP des jeunes. Les budgets participatifs apportent un espoir de démocratie ! En tout cas ils réorientent les politiques locales en faveur des plus démunis et affirment les droits des classes populaires.

Nous sommes, néanmoins, moins enthousiaste et plus critique sur trois manquements de cette opération. Le premier, c’est le nombre de participants. En 2007 et 2013 des consultations ont aussi été organisé par la Ville. Ces consultations ressemblaient plus à des opérations de comm’ puisqu’elles n’offraient pas la possibilité aux Liégeois.es de soumettre leurs propositions et étaient fort cadrées notamment par une communication des priorités du collège. Ces opérations ont permis, selon vos chiffres, de « consulter » - et je mets donc de gros guillemets – 4317 et 5749 personnes respectivement en 2007 et 2013. Aujourd’hui, l’opération « Réinventons Liège » a permis l’expression des votes de 5023 utilisateurs de la plateforme. Même s’il y a eu 30,000 connections sur la plateforme, le nombre de participants est resté donc dans la même fourchette que les opérations précédentes. Si on décompte les 20 % de non Liégeois, finalement, le choix des 77 actions repose sur les avis de 4000 Liégeois.es sur une population d’environ 196000 habitants (ou 155.000 si l’on compte les plus de vingt ans). Nous restons dans les mêmes fourchettes que les consultations de 2007 et 2013 or avec les moyens financiers, humains et matériels dont dispose la ville, c’est clairement trop peu. Ajouté à cela le fait que quasi aucun jeune de moins de 20 ans n’a pris part au projet alors que c’est une population très connectée, très créative et qui a certainement des choses à dire sur la gestion de la ville, c’est pour nous un indice d’une mauvaise gestion de cette opération. Les travers de la gestion Top-Down sont toujours là et c’est le deuxième manquement de cette opération. On propose une plateforme sur le web et on attend que les gens participent. Il y a eu des efforts pour aller chercher cette participation notamment dans quelques quartiers – et malheureusement pas tous. Mais ces efforts sont restés insuffisants. Pourquoi les écoles n’ont pas été impliquées ? Pourquoi tous les comités de quartier n’ont pas été impliqués ? Pourquoi le monde associatif et culturel en contact avec différents publics n’a pas été impliqué ? Pourquoi les commerçants et leurs représentants n’ont pas été impliqués ? Pourquoi les locataires des logements sociaux n’ont pas été impliqués ? Pourquoi le personnel de la ville et ses représentants syndicaux n’ont pas été impliqués ? Bref, nous pensons que si la ville a réellement la volonté d’impliquer un maximum de Liégeois.es dans ce processus de réinvention, elle doit se donner la peine ou plutôt le plaisir d’entrer en contact avec tous ses habitants d’une part là où ils se trouvent organisés et d’autre part aller à leur rencontre sur les marchés, dans les différents événements locaux, d’une manière beaucoup plus large et active.

Enfin troisième manquement : les biais issus du cadrage donné par la ville dans sa communication. En effet, l’opération a démarré avec 20 projets estampillés « Ville de Liège » sur la plateforme et une soirée de lancement à tout le moins orientée dans le diagnostic posé et les besoins exprimés ce soir-là. Sans m’exprimer sur la qualité ou le fond de ses 20 projets initiaux, on a construit un cadre pour donner le ton des propositions qui vont suivre. On a construit comme un moule pour accueillir les propositions des Liégeois.es où l’on a omis consciemment – je le pense – d’aborder certains sujets : d’abord et avant tout les taxes et le financement des projets de manière générale. Ensuite, le logement et l’emploi - matières transversales mais ô combien importantes dans la vie des gens - et enfin, dans une moindre mesure l’enseignement et en particulier l’enseignement communal. Ces quatre thèmes se sont retrouvés dans les premiers choix des Liégeois.es dans l’enquête que nous avons mené en 2012 auprès de 1500 personnes. Bien sûr, notre enquête est partisane – c’est un parti politique qui la mène et les propositions soumises sont celles du PTB. Bien sûr, notre enquête est aussi certainement soumises à des biais vu la sociologie des quartiers où nous sommes implantés et les efforts plus ou moins fournis pour entrer avec une diversité de Liégeois.es. Mais, honnêtement, qu’aucune des 77 actions n’aborde la question explicite de la difficulté de se loger à Liège ou qu’aucune des 77 actions n’aborde la question des taxes de stationnement ou celle des déchets est pour le moins surprenant et dit quelque chose – à mon avis – sur le public qui a participé à cette consultation.

En résumé, je veux encourager la Ville à poursuivre ses efforts pour une plus grande participation et implication des Liégeois.es. Mais je veux que tous les Liégeois.es, sans distinction d’âge, de sexe ou de catégorie sociale, puisse prendre part à le construction de leur avenir. Réinventer Liège ne peut être que l’œuvre de toutes les Liégeoises et tous les Liégeois en réponse à leurs besoins sociaux, économiques, environnementaux, culturels et démocratiques pour l’exercice et la conquête de nouveaux droits.