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Bus gratuits à Dunkerque : pourquoi pas à Liège ? - PTB Liège

Rédigé par Admin | 21 septembre 2018

Depuis le 1er septembre, il est désormais possible de circuler gratuitement à Dunkerque (France) en transport en commun. C’est la plus grande métropole d’Europe à choisir la gratuité. La mesure a fait l’objet d’une grande publicité de la part de la mairie et de sa société de bus Dk’Bus. En quelques jours, la fréquentation des lignes a augmenté de 50%. Le PTB, par la voix de ses conseillers communaux Raoul Hedebouw et Sophie Lecron, veut s’en inspirer pour notre ville de Liège.

1. Pourquoi la gratuité ?

Il est nécessaire de ne plus se contenter de demi-mesures ou de patienter pendant que le climat se réchauffe à grande vitesse. Il y a une extrême urgence environnementale et il faut y répondre sérieusement. Le transport est responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre en Europe occidentale. Et qui dit augmentation de la pollution dit aussi impact sur la santé. L’application « Shit, I Smoke ! » permet par exemple de calculer l’impact sur nos poumons, en convertissant l’inhalation de particules fines en intoxication liée au tabagisme : tous les Liégeois fument ainsi chaque jour l’équivalent de trois cigarettes en respirant notre air. Les problèmes respiratoires arrivent donc plus tôt, tuant déjà prématurément 2 320 Belges chaque année, selon l’Agence européenne pour l’Environnement. Les enfants, les femmes, les seniors et les personnes précarisées en sont les premiers touchés. Les études ont corrélé le niveau de pollution aux retards de croissance et au développement d’allergies ou d’asthme chez les bambins. Diminuer de 10 microgrammes par mètre cube de ces particules fines pourrait déjà prolonger de 6 à 7 mois l’espérance de vie moyenne. Il est donc primordial pour Liège de prendre le taureau par les cornes et de repenser complètement son plan de mobilité pour une ville plus verte et plus saine.

Les expériences de gratuité des transports collectifs ont également démontré que les déplacements en voiture baissaient sensiblement permettant de désembouteiller les villes. À Aubagne où la fréquentation des bus a triplé depuis l’instauration de la gratuité en 2009, on a assisté à 35% de report modal, soit 5 000 autos et motos de moins par jour. Comme l’explique un chauffeur de bus dunkerquois dans la presse, « on voit qu’une nouvelle clientèle vient essayer » les transports en commun. En effet, deux tiers des trajets à Dunkerque se faisaient en voiture. L’objectif annoncé est donc de doubler à terme la fréquentation des bus. L’instauration de la gratuité des transports en commun s’est toujours accompagnée d’un transfert intermodal et d’une baisse de la pression automobile dans les villes qui ont fait ce choix.

Les chauffeurs de bus qui, par ailleurs, sont également satisfaits de cette gratuité. En leur retirant la pression de la vente et du contrôle, leur conduite, moins stressée, n’en est que plus sereine et ponctuelle. Sans compter la baisse des incivilités et des agressions qui a baissé de 60 % depuis 2015 à Dunkerque et l’instauration de la gratuité les weekends. En voilà un gain pour leurs conditions de travail difficiles. La qualité du service n’en pâtit donc pas , que du contraire. Établir la gratuité, c’est prendre soin de nos chauffeurs.

C’est aussi un enjeu social. Pour les personnes les plus précarisées, c’est une vraie aide pour affronter toutes les difficultés liées à un faible revenu, que ce soit en matière de recherche d’emploi, d’accès aux services publics comme les hôpitaux ou encore pour rompre la solitude. Le centre-ville n’en sera que mieux redynamisé. La hausse de fréquentation des bus contribue aussi à la lutte contre les incivilités par le contrôle social dans les véhicules : la gratuité permet à tout le monde de s’approprier les transports en commun. On n’a pas envie d’abîmer ce qui nous appartient. De même, les tensions intergénérationnelles n’en sont que mieux réduites. Cette mesure entre dès lors dans un véritable cercle vertueux. Les habitants touchent ainsi par la mobilité au droit à la ville, cher au programme du PTB.

2. Comment mettre en pratique cette gratuité ?

La gratuité a coûté 8 millions à Dunkerque. Le choix de la gratuité était un vrai choix politique réfléchi et assumé de la part des autorités locales. Après avoir pratiqué la gratuité pendant les weekends durant deux ans et avec succès – + 29 % de fréquentation le samedi et + 78 % le dimanche|1| – l’agglomération de Dunkerque a franchi le cap ce 1er septembre en étendant la gratuité à tous les jours de la semaine. 38 villes et agglomérations françaises ont choisi la gratuité, faisant de la France le pays le plus avancé en la matière|2|. Ces municipalités sont souvent de taille moyenne, à l’exception de Aubagne, Niort et maintenant Dunkerque qui dépassent les 100 000 habitants. En réalité, le coût de la gratuité n’est pas si élevé : dans la plupart des « villes gratuites », la billetterie ne couvrait que 10 à 20% du coût du service.

De grandes villes comme Paris, Amiens, Grenoble, Perpignan et Clermont-Ferrand y songent aussi sérieusement et ont mis la chose à l’étude. Une proposition de loi a même été récemment déposée à l’Assemblée Nationale française par le groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine (GDR) pour « encourager la gratuité des transports collectifs urbains et périurbains ». Pour le député André Chassaigne (PCF) à l’initiative de cette loi, il faut sortir « le transport collectif de l’approche marchande, de la recherche de profits » : la gratuité doit être « un droit universel ». C’est aussi l’avis du PTB : les TEC sont un bien commun, tout comme les écoles, les parcs et les trottoirs. Nous payons déjà des impôts pour en disposer. Quand vous prenez le bus, vous êtes un usager, non pas un client. Après tout, nous n’avons pas besoin d’insérer une pièce dans les lampadaires pour qu’ils éclairent notre chemin la nuit. Pourquoi en serait-il autrement pour les TEC ?

La gratuité permet aussi d’économiser sur les coûts de voirie, par la baisse du trafic. Il serait désormais possible d’imaginer l’élargissement des trottoirs, des pistes cyclables et des espaces verts, voire la réduction des places de stationnement. De même, les titres de transport n’ont plus lieu d’être : tous les appareils et services de vente ou de contrôle des billets peuvent être économisés et redistribués à d’autres affectations, comme la sécurité dans les bus.

Tallinn en a même fait une opération rentable : la capitale estonienne compte 440 000 habitants et en a gagné 25 000 de plus entre 2012, date de l’instauration de la gratuité des transports collectifs, et 2016. Alors que Liège stagne depuis des années en nombre d’habitants, voilà qui pourrait changer la donne. Ces nouveaux résidents sont devenus de nouveaux contribuables. Par ce calcul, la cité balte a largement couvert la perte des ventes de tickets et gagne 12,8 millions € par an en plus. La gratuité permet ainsi d’investir ailleurs. Les premiers bénéficiaires tallinnois se sont avérés être les chômeurs, les revenus les plus bas, les jeunes parents et les retraités. Même si d’autres défis se poseront, la gratuité peut être à terme bénéfique pour les finances communales et est aisément finançable.

3. Et à Liège ?

Quiconque vit ou traverse Liège se rend compte du grave problème de mobilité de notre Cité ardente. L’agglomération liégeoise est la plus congestionnée de Wallonie, la troisième du pays après Bruxelles et Anvers. Cette congestion représente un coût sur l’économie, évaluée entre 250 et 500 millions € par an. Ne rien faire coûte donc plus cher que d’investir.

Dunkerque et Liège ont la même population, autour de 200 000 habitants. Selon le SPF Mobilité, les Wallons utilisent bien plus la voiture (82%) qu’à Dunkerque avant la gratuité (66%). Miser sur les transports en commun comme colonne vertébrale permettrait de remettre la ville en mouvement. Tout le monde y trouvera son compte, employé comme employeur, pouvoirs publics comme intérêts privés.

Qu’ont fait les autorités publiques, sinon augmenter périodiquement le prix du billet ? Le titre de transport a plus que doublé en dix ans. L’unique ligne de tram projetée à Liège pour le moment ne résoudra pas la question de la hausse de fréquentation des transports, surtout si elle ne s’accompagne pas d’incitants à l’utiliser et d’un vrai plan de mobilité fondé sur les transports en commun comme colonne vertébrale. D’autant qu’il faudra rembourser le coûteux montage financier qui a permis au privé (le consortium CAF) de rafler le marché de la ligne la plus « rentable » de Wallonie, son entretien et son exploitation. Un financement à 100% public aurait été bien moins cher à terme. Financer la gratuité des transports en commun à Liège coûtera certainement moins cher que les 27 annuités de 43 millions à payer au consortium CAF qui vient de remporter la marché. Ce PPP nous fait d’ailleurs craindre une nouvelle augmentation du prix du ticket lorsque le tram entrera en service.

Grâce à un accord conclu entre la Ville et De Lijn, Hasselt a testé la gratuité entre 1996 et 2014, jusqu’à ce que la nouvelle majorité, à droite, ne change d’avis. Or, Hasselt est bien moins riche que Liège, comme Dunkerque. Si l’on calcule la part de la vente des billets dans le fonctionnement des bus, on se rend compte que son coût serait tout à fait marginal s’il était porté par la Ville. Comme Dunkerque, il tournerait autour de 8 millions € par an pour la Ville de Liège, donc 1,6% de son budget annuel, un peu plus du double au niveau de son agglomération. Ce sont en effet les subventions régionales qui supportent pour l’essentiel le budget des TEC, y compris le réseau de Liège-Verviers. 25,95 % seulement du budget total de 171 065 639€ des TEC Liège-Verviers provenait de la billeterie en 2017. Les TEC Liège-Verviers cumulaient ainsi un chiffre d’affaires de 44 405 147,43€|3| toujours en 2017 pour toute la Province de Liège. Rapporté au poids démographique de la Ville de Liège (18%), cela donne précisément 7,92 millions €. Rapporté au poids démographique de l’agglomération de Liège (40%), cela donne 17,76 millions €. Outre le refinancement nécessaire au niveau wallon de la SRWT pour réaliser notamment les investissements nécessaires en matériel, il est tout à fait possible pour les aurotités communales de la Ville de Liège de négocier un accord avec les TEC pour avancer vers la mise en place progressive de la gratuité. Pour une plus grande efficacité, il s’agira sans nul doute de se coordonner avec les autorités communales de toute l’agglomération liégeoise.

4. Conclusion

En conclusion, fournir un accès inconditionnel au transport public permet de s’attaquer directement au problème de la pollution de l’air, de la santé des Liégeois, de la mobilité, de l’exclusion sociale et de la qualité des TEC. L’expérience récente de Dunkerque comme toutes les expériences de gratuité en Europe démontrent que c’est le chemin d’avenir à prendre si on souhaite des villes plus vertes, plus saines, plus mobiles et plus sociales. Pourquoi ce qui fonctionne ailleurs, y compris dans des villes plus en difficulté, en serait-il différent à Liège ? Le PTB militera donc dans cette campagne électorale et ensuite au conseil communal comme dans la rue, pour le droit universel à la mobilité.

 

|1| Moniez, L. (5 septembre 2018). Dunkerque, plus grande collectivité d’Europe à adopter la gratuité des transports. Le Monde. Extrait de https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/09/05/dunkerque-plus-grande-collectivite-d-europe-a-adopter-la-gratuite-des-transports_5350563_3234.html
|2| Chartain, O. (11 septembre 2018). Transports. Avec la gratuité, en route vers un droit universel à la mobilité. L'Humanité. Extrait de https://www.humanite.fr/transports-avec-la-gratuite-en-route-vers-un-droit-universel-la-mobilite-660447
|3| TEC Liège-Verviers. (2018). Rapport financier au 31 décembre 2017. Rapport du Conseil d’Administration à l’Assemblée Générale des Actionnaires du 1er juin 2018. Extrait de http://rapportannuel.groupetec.be/liege-verviers/rapport-financier-lv-2017.pdf