Intervention de François Ferrara, conseiller PTB au CPAS de Liège, concernant le budget CPAS 2018.
Mesdames et Messieurs du collège et conseil communal,
À la page 22 de la Note de Politique Générale (NPG), on peut y lire : « Plus que jamais, les dépenses de transferts constituent la majorité des dépenses de notre CPAS ». En effet, les dépenses de transfert sont en grande majorité composées par l’octroi du RIS. Et celles-ci augmentent de 7,5 millions € par rapport au budget initial de 2017 et de plus de 1 million € par rapport au cahier de modification budgétaire (CMB) 2017.
Ces chiffres prouvent à quel point le budget initial 2017 n’avait pas assez prévu l’augmentation des besoins et du nombre de personnes qui plongent dans la précarité. Plus de 40.000 habitantes et habitants de notre ville sont sous le seuil de pauvreté, ce qui constituent plus de 22% de notre population. Le taux de pauvreté en 2017 est de 1.115 euros pour un isolé et de 2.341 euros pour un ménage de deux adultes et deux enfants. Pourtant, le revenu d’intégration sociale (RIS) est de 893 euros pour un isolé et de 1.190 euros pour un ménage, ce qui est largement sous ce fameux seuil de pauvreté. Même si le taux du RIS n’est pas de compétence communale, le PTB tient à rappeler que cette situation est invivable. En effet, le RIS ne permet pas de vivre « dans la dignité humaine » comme le prévoit la loi. Nous rappelons que nos deux députés fédéraux MM. Hedebouw et Van Hees ont déposés dernièrement un projet de loi allant dans ce sens.
Le budget 2018 prévoit donc une augmentation comme, dit plus haut, de plus de 1 million € de dépenses de transfert. Mais ceci est justifié dans la NPG par l’impact de l’indexation du RIS sur une année complète. Vous ne prévoyez donc pas d’augmentation des demandes du RIS ? J’ai du mal à y croire. Vu la situation économique actuelle et les mesures d’austérité inhumaines prises par le gouvernement fédéral, cela paraît malheureusement inévitable.
Ceci est d’autant plus paradoxal que, comme il est indiqué, dans la NPG, l’augmentation du nombre de bénéficiaires du RIS est constante : 23% en 7 ans. Au 1 janvier 2017, ce nombre était de 11 283. Cette augmentation est encore plus nette depuis 2015 : 6,7% soit 672 supplémentaires. (NPG page 33). Pensez-vous réellement que cette augmentation va cesser ? Je peux lire toujours dans la NPG : « notre inquiétude se porte sur tous les moyens pour l’affronter ». Et à part exprimer cette inquiétude, qu’allez-vous faire concrètement ? Va-t-on refuser des RIS à des personnes qui y ont droit ? Ou sommes-nous en train d’organiser le déficit du CPAS ?
Au PTB, nous partageons votre inquiétude mais nous demandons que le conseil communal se prononce clairement sur cette situation alarmante qui est due en grande partie aux mesures gouvernementales et surtout qu’il envisage clairement des solutions concrètes de financement.
J’aimerais maintenant m’attarder sur les plus précaires de tous, les SDF. Dans notre ville, le chiffre a doublé en 7 ans passant de 147 à 325. Et encore ce chiffre n’est constitué que du nombre de personnes bénéficiant du RIS de rue. Face au véritable parcours du combattant pour l’obtenir, beaucoup y renoncent. Le PTB demande un assouplissement des conditions d’octroi et un accroissement du personnel afin de faire face à la surcharge de travail. Je rappelle qu’en 2016 l’urgence sociale à effectuer plus de 24 300 démarches. Quant au nombre de RIS étudiants, celui-ci a augmenté de 48% en 7 ans passant de 871 à 1.292 étudiants. Nous pouvons donc remarquer que cette situation est chaque année de plus en plus préoccupante. Le combat pour un enseignement supérieur démocratique et financièrement accessible doit se pour suivre et être amplifié. La récente campagne publicitaire d’un site de prostitution estudiantine est venue rappeler l’importance de ce combat.
Face ces multiples urgences sociales, la dotation communale va donc augmenter de 1,25%. 1,25 %. C’est insuffisant encore et toujours comme chaque année depuis six maintenant. C’est même en dessous du taux d’index 2017 est de 2,1% (chiffre du bureau fédéral du plan). Ce n’est donc pas une « vraie » indexation. Le PTB estime que cette dotation, dont l’augmentation est nettement en dessous des années 2005 à 2010 doit être revue à la hausse. C’est urgent.
Le Budget 2018 arrive encore une fois à l’équilibre en puisant dans le fond de réserve : 530.996 euros. Ce fond de réserve est-il un puits sans fond ? Il nous faut trouver d’autres solutions. Le PTB, comme chaque année, rappelle la nécessité d’avoir une vraie politique du logement. Le manque de logements publics est criant et plonge de plus en plus de personnes dans des conditions de vie insalubres. Comment voulez-vous que ces personnes portent plainte pour insalubrité si elles ont peur de se retrouver à la rue ?
Quant à la réorganisation interne qui vise le personnel sous toutes ses formes, le PTB ne l’acceptera que si elle est acceptée par les travailleurs du CPAS et de leurs différents représentants syndicaux. Je rappelle à titre d’exemple que le nombres de dossiers par assistants sociaux (AS) est passé à 120, alors que pour effectuer un bon travail le nombre devrait être de 90. Je passe régulièrement dans les antennes pour m’apercevoir à quel point nos agents sont surchargés. D’ailleurs on peut remarquer que le taux d’absentéisme est le plus grand est parmi les AS. Ce qui prouve à quel point ils sont à bout. N’oublions pas que sans nos agents, aucun travail social n’est possible. Nous continuerons à défendre des conditions de travail dignes et concertées pour le personnel qui tiennent compte de cette surcharge de travail comme nous continuerons à défendre un plus grand taux de nomination.
Pour la réorganisation de l’accueil des usagers, un réel effort est fait, j’ai pu le constater, mais il doit absolument être poursuivi en pensant aussi à la rénovation de nos antennes. Cela constituerait aussi de meilleures conditions de travail pour nos agents. Le PTB souligne que 25 agents ont été engagés, mais presque uniquement sur base de l’octroi de subsides supplémentaires afin d’appliquer le projet individualisé d’intégration sociale (PIIS). Le PTB ne voit pas en quoi ces engagements permettront de soulager la surcharge de travail actuelle liée à l’application du PIIS. Face à toutes les formalités à accomplir et à justifier pour l’obtention du RIS, les bénéficiaires se voient en plus infliger un plan d’accompagnement digne de celui que les chômeurs doivent subir. Vu les résultats peu probant obtenus au Forem, le PTB s’oppose à ce fameux PIIS.
Quant au service communautaire, le PTB s’y oppose catégoriquement. Le PTB avait déposé une motion au conseil communal en 2017 qui avait permis de déclarer Liège ville hors service communautaire pour 2017. Lors du conseil conjoint de 2016, nous avions encore appuyé cette motion et avions ajouté vouloir que la ville aille plus loin dans un second temps et se déclare commune hors service communautaire à plus long terme. Par conséquent, nous demandons que le ville de Liège se prononce contre ce service communautaire, tant en 2018 que pour une durée indéfinie.
Alors que le RIS est le dernier filet de sécurité, insuffisant, mais bien nécessaire, il est inconcevable alors que les bénéficiaires se voient déjà obligés de justifier un tas de conditions, qu’ils soient soumis à ces règlements qui n’apportent rien en termes de réinsertion. Quant aux synergies, si certaines sont nécessaires, il ne faudrait pas que celles-ci , au final, ressemble à une fusion ville-CPAS voulue par certains de nos dirigeants.
Vous l’aurez compris, nous voulons tirer la sonnette d’alarme face aux urgences sociales des Liégeois et Liégeoises les plus précarisées. Nous pensons que ce budget ne répond pas aux besoins grandissants chaque année. Le droit à une vie digne n’est pas négociable. Le CPAS continue de ne pas recevoir le budget à hauteur de ses besoins et nous ne l’acceptons pas.
François Ferrara, conseiller CPAS pour le PTB.