Ce lundi soir 25 mars 2019, c'est conseil communal commun Ville-CPAS. Le PTB intervient sur la Déclaration de politique sociale du CPAS de Liège (2019-2024) par la voix de François Ferrara. Pour le chef de groupe PTB au CAS, cette déclaration de bonnes intentions ne répond clairement pas à l'urgence sociale.
Mesdames et Messieurs du collège échevinal,
À la lecture de la note de politique sociale de notre CPAS, on s'aperçoit de la "bonne volonté" de celui-ci de respecter la loi organique de 1976 qui stipule que chacun a le droit de vivre dans la dignité humaine. Nous savons que le RIS pour un cohabitant s’élève à 607,01€, pour un isolé à 910,52€ et un cohabitant avec une famille à charge à 1254,82€. Or, ces allocations sont largement en dessous du seuil de pauvreté, fixé à 1.115 € net par mois pour un isolé, soit à 28.092 € net par an, ou 2.341 € net par mois pour un ménage composé de deux adultes et deux enfants (<14ans).
Il est donc permis de douter de la bonne volonté du CPAS et de ne pas y croire. Notre ville, à l'instar d’autres grandes villes, connait depuis quelques années un accroissement considérable de la précarité. Les statistiques de la note de politique sociale de notre CPAS le démontrent à nouveau : plus de 12 000 revenus d'intégration sociale (RIS) sont octroyés mensuellement, ce qui représente 8% de la population active et impacte en tout 20 000 personnes sur Liège. Fin 2017, il y avait 11 320 bénéficiaires du RIS ou de l'ERIS. En 2006, il y en avait 8873. L’augmentation est donc constante. Plus inquiétant encore, beaucoup de précaires ne sont pas bénéficiaires du centre et passent sous le radar : on estime que 40 000 Liégeois vivent en dessous du seuil de pauvreté. Sont touchés surtout nos aînés, les familles monoparentales (une sur deux) et les personnes handicapées (80%). Un enfant liégeois sur quatre grandit aujourd’hui dans la pauvreté. L’urgence sociale est incontournable.
La dotation communale a certes augmenté, et ce pour la première fois depuis cinq ans, de 1,5%. Mais c’est insuffisant : le taux d'inflation moyen est 2,4%, selon une récente estimation. Pas moins de 470 de CPAS dit de rue ont été octroyés en octobre 2018, mais encore une fois, toutes les personnes sans-abris, évaluée à mille, ne s'adressent pas au CPAS et passent entre les mailles du filet.
De plus, comme indiqué dans le CMB, le fonds de réserve étant épuisé, on peut craindre le pire.
La politique de l'emploi et du logement sont les principaux responsables de cette hécatombe sociale. Il est plus que nécessaire de voir le nombre de logements de transit correspondre aux besoins de notre population. Comment pourrait-on lutter contre les logements insalubres ou les marchands de sommeil si les locataires, une fois expulsés par décision, ne peuvent trouver un logement de transit mis à disposition ? C’est une vraie gageure.
Même la politique sociale est mise en péril. À titre d'exemple, le Service social Liège Ouest ASBL a travaillé sur base de 350 dossiers, comprenant notamment des familles, pour l'année 2018 en livrant des aides alimentaires qui ont doublé ces toutes dernières années. Leur accompagnement social global de proximité est de plus en plus complexe, et ce dû à la précarité croissante. Ces aides sont assurées par un travailleur social engagé à mi-temps ainsi que par l'investissement inconditionnel d'une cinquantaine de travailleurs volontaires. C'est un service social nécessaire mais en sursis, comme tant d'autres dans le secteur associatif liégeois. Le service a de plus en plus en difficultés pour assurer le maintien d'un travail social efficace, vu le manque de moyens financiers et de présence à temps-plein de l'assistante sociale.
Venons-en au moyens humains pour faire face à cette situation. Le CPAS compte 760 agents, ce qui correspond à + ou - 500 équivalents temps-pleins, avec à peu près 20% d'agents statutaires. Afin qu’ils puissent travailler en toute sérénité, il est grand temps d’accroitre le nombre de nominations pour que ceux-ci soient assurés de leur avenir professionnel.
La charge de travail ne cesse en effet de s'agrandir : pas moins de 56 304 décisions ont étés prises fin novembre 2018 au comité spécial de l'urgence sociale, ce qui devrait porter le chiffre à plus de 60.000 pour toute l'année 2018. Soit plus de 5000 par mois. Nous vous laissons deviner la charge énorme de travail reposant sur nos agents. On a largement dépassé le seuil maximal de 90 dossiers par assistant social pour parfois même dépasser les 120 par AS. Pas étonnant que le SPF Intégration ait épinglé en 2017 notre CPAS pour ses délais anormalement longs : il faut parfois six semaines avant d’obtenir un premier rendez-vous, contre un mois grand maximum. Ces retards dans les dossiers sont graves de conséquences pour nos bénéficiaires.
Il n’est pas donc surprenant non plus de voir se multiplier les congés de maladies, les burnouts et autres dépressions de nos agents. Il est urgent d’embaucher au moins 25% d’assistants sociaux supplémentaires si l’on veut toujours offrir un accompagnement individualisé correct et efficace.
Enfin, face aux synergies Ville-CPAS, le PTB reste prudent. Nous craignons que s’y cacheraient des coupes déguisées, en vue in fine de fusionner à terme Ville et CPAS comme en Flandre, comme le souhaite le CRAC, notre FMI local. Or, comme l’a écrit en 2015 un collectif pluraliste d’académiques et de syndicalistes, « aucune étude scientifique n’a démontré la plus-value de ce scénario ». Même si nous ne sommes pas contre des collaborations en vue d’économies d’échelle, comme le déménagement à la Cité administrative, celles-ci ne doivent pas combler artificiellement les trous au CPAS. J’en veux pour preuve ces six AS de la Ville qui en 2014 sont venus aidés le CPAS à titre temporaire, ou plus récemment le nouvel horaire calqué sur celui du personnel communal et imposé par la direction. Transvaser des agents d’un service à l’autre n’effacera pas la nécessité urgente d’engager du personnel supplémentaire. C’est là la vraie question.
Face à cet accroissement considérable des besoins, les moyens dans les faits diminuent, tant de la part du fédéral que des autres niveaux de pouvoirs. « Le degré de développement d'un État se mesure à l'attention qu'il porte aux plus précarisés », écrivez-vous en début de déclaration de politique sociale. La seule bonne volonté ne suffira pas à surmonter les difficultés croissantes. Il est fou de croire encore que la richesse créée ruisselle vers les plus défavorisés de notre société. Le libéralisme voit son échec social se décliner aussi dans les chiffres du CPAS de Liège.
Le PTB demande donc à l'ensemble du conseil communal de réclamer un accroissement des moyens mis à disposition du CPAS aux pouvoirs supérieurs, sans quoi il se verrait complice de cette situation. Le seuil de pauvreté européen est fixé pour un isolé à 1115€ et à 2341€ pour un ménage avec deux enfants, contre actuellement un RIS à 910€ pour le premier cas et de 1250€ pour le second. Le refinancement du CPAS devrait permettre de relever à ces seuils les RIS actuels, ainsi que d’augmenter significativement le nombre d’agents.
Nous souhaitons aussi que la Ville table sur notre proposition de Maisons de la solidarité, de manière à rendre accessibles en termes de distance, entre autres, les services du CPAS. Des AS pourraient y accueillir et guider les bénéficiaires mais aussi les ayant-droits qui ignorent, jusqu’à 40% d’entre eux, les allocations auxquelles ils peuvent prétendre. L’octroi de ces droits devrait être automatique.
La lutte contre la pauvreté est la première priorité du PTB. Si elle l’est aussi pour le Collège, cela doit aussi se refléter dans ses ambitions. Pour notre groupe, ce n’est aujourd’hui vraiment pas le cas et c’est pour cette raison que le PTB votera contre la déclaration de politique sociale du CPAS.
François Ferrara, chef de groupe PTB au CAS de Liège.