François Ferrara, conseiller PTB de l'action sociale, a souhaité s'exprimer à l'occasion du conseil commun Ville-CPAS de ce 17 décembre, sur la politique sociale locale en invoquant notamment les prévisions budgétaires du CPAS pour l'année 2020. Remplacé par Adrian Thomas (suite à un souci médical imprévu de François Ferrara à quelques minutes du début du conseil), le PTB a souhaité donc prendre la parole quand, soudain, on a assisté à un grand exercice de démocratie du collège PS-MR. Non content de confronter leurs grandes déclarations aux réalités budgétaires, la présidente du conseil a coupé court à l'intervention du conseiller PTB prétextant la non-inscription du budget du CPAS à l'ordre du jour. Voici donc l'intervention complète et sans coupures du conseiller François Ferrara.
Intervention de François Ferrara (PTB) au conseil commun CPAS-Ville du 17/12/2019
A l'occasion de ce débat sur la politique sociale locale, le PTB aimerait se prononcer sur le budget du CPAS de cette année. C'est d’autant plus pertinent que les autorités communales répètent depuis plusieurs jours que la dotation de la Ville envers le CPAS a (enfin) augmenté (+5,6 %) avec l’embauche de 5 nouveaux assistants sociaux.
Annoncé en déficit de 4,1 millions d'€ par le directeur financier en septembre, le budget est présenté en équilibre après plusieurs tours de passe-passe. C'est ainsi qu'il faut le comprendre puisque la ville aurait dû de toute façon renflouer le déficit du CPAS : l’équilibre est une obligation de la Région wallonne.
Voyons les postes les plus importants afin de mieux comprendre :
Le coût brut des dépenses de personnel augmentent (+1,22%) moins que l'index (+1,5%) alors qu'une augmentation salariale de 2% est prévue en 2020. Le coût net augmente de 2,47 %. Alors que les dépenses de personnel sont évaluées sur base de l'effectif budgété en 2019 augmenté de 5 assistants sociaux, la lecture du tableau du personnel nous apprend que les agents contractuels comme les agents statutaires sont en baisse en 2020 : ils seront 99,95 ETP nommés et 113,17 ETP contractuels en 2020, contre 100,25 ETP nommés et 126,17 ETP contractuels en 2019. Le nombre d’APE est, lui, en augmentation (+15 ETP), mais ces points APE sont partagés avec les services de la Ville. Le tableau ne permet pas de voir l’ensemble des mouvements de personnel prévus en 2020. Mais j’aimerais quand même tirer la sonnette d’alarme sur l’institutionnalisation d’une pratique irresponsable et anti-sociale. [C'est ici que la présidente PS du conseil interrompt l'intervention]. Le budget annonce une prévision d'économies de 930.000 euros prévues sur base de congés de maladies essentiellement.
D’où viennent ces économies ? Lors de la période de salaire garanti à 80% (1 mois pour les non-nommés), le travailleur n'est pas remplacé. On a donc une augmentation de surcharge de travail pour ceux qui restent. Ensuite, si le travailleur est malade de longue durée, le remplaçant coûte moins cher en salaire, ne fût-ce que par l'ancienneté.
Les agents nommés qui tombent malades ne sont jamais remplacés pour la simple raison qu'ils reçoivent leur salaire du CPAS et sa direction estime qu’elle ne peut pas supporter le coût d’un tel remplacement. En clair, en se faisant l'avocat du diable, on pourrait dire que plus il y a de malades, plus en termes de budget c'est intéressant. Cet engrenage doit s’arrêter. Tous les travailleurs malades, nommés ou pas, doivent pouvoir être remplacés. Autrement, ça sera encore plus l’hécatombe en nombre de burn-out et de turn-over des travailleurs sociaux.
J’ajoute qu’encore une fois aucune nomination n’est prévue et on parle même de « réflexion sur le non-remplacement des pensionnés ». Bref, les cinq AS supplémentaires sont une trop petite rustine face au manque criant de personnel au CPAS de Liège. On est toujours loin des 90 dossiers maximum par AS. Voilà donc pour le premier tour de passe-passe.
Pour ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, on assiste à une augmentation en partie couverte par le subside PIIS (projet individualisé d'intégration sociale) comme la location des locaux antenne jeunes. Et dans le cadre du subside "Participation et activation sociale", une partie des dépenses auparavant imputées en transferts ont été reprises en fonctionnement (frais d'animation, rubrique frais de fonctionnement technique). L'on peut citer les asbl "vaincre la pauvreté", "coup d'envoi" et "article 27". Cette dernière a malgré les difficultés pu être sauvée.
2ème tour de passe-passe donc.
En termes de dépenses de transfert, là, on arrive carrément à de la magie.
Le plus gros poste est celui des 30% des RIS que le CPAS doit prendre en charge. L’augmentation est de 1,68 % alors qu'un index de 2% du ris est prévu en 2020. Comment y arrivent-ils ? D'une part, la majorité table sur le maintien du même nombre d'étudiants bénéficiaires. C'est incompréhensible et irréaliste concernant le maintien du nombre d'article 60 et surtout sur la diminution du nombres de RIS. En effet, les prévisions se basent sur un nombre moyen de RI égal à 10.830 dossiers, contre 10.869 prévus en 2019. Il est facile d'en déduire que soit ce chiffre sera dépassé, soit un certain nombre de dossiers seront refusés sans raison.
C'est un troisième tour de passe-passe donc.
Je constate par ailleurs que la majorité arc-en-ciel du gouvernement wallon a choisi d’augmenter le Fonds spécial de l'aide sociale d’à peine 1,60%, ce qui ne suit même pas l’indexation prévue en 2020 de 2 %. Je rappelle également que le fonds de réserve ordinaire du CPAS est vide. Complètement vide.
Aujourd’hui, on peut dire que le CPAS de la Ville de Liège est en crise.
Au niveau de son personnel, les souffrances sont grandes. Et la multiplication des contrats précaires type "article 60" au sein même de l’institution, pour des tâches essentielles comme l’accueil en antenne, est irresponsable et très frustrant. Il faut en effet recommencer la formation de l’agent lorsque celui retrouve la case chômage et qu’il est remplacé par un autre article 60.
Au niveau des usagers, la situation n’est pas moins catastrophique. Le nombre de hors-délais explose : on ne répond plus au téléphone et on balade les usagers de service en service. On est loin, mais vraiment loin, d’un accompagnement individuel et personnalisé. Le PTB réclame la fin de toute contractualisation de la relation entre le CPAS et son bénéficiaire, notamment avec le système du PIIS. Cette contractualisation est néfaste puisqu’elle met à mal la nécessaire confiance à établir entre les deux parties. Elle conditionne également l’octroi du revenu d’intégration sociale, pourtant dernier filet de sécurité pour les travailleurs sans ressources et sans emploi. Comme pour les politiques dites d’activation des chômeurs, cette politique veut mettre l’accent sur la responsabilité individuelle, loin d’une responsabilité collective et solidaire. La nouvelle politique communale des CPAS vise surtout à modifier le comportement des gens en les invitant à chercher un meilleur emploi (oui, mais où ?), à chercher un logement meilleur marché (oui, mais où ?).
Le PTB demande que le CPAS revienne à ses fondamentaux : mettre en place un filet de sécurité ultime pour les gens confrontés à des difficultés sociales, de manière à ce que toute personne qui en a besoin puisse recevoir une aide appropriée. Les assistants sociaux du CPAS doivent faire face à une certaine « marchandisation ». Ils ont de moins en moins de temps à consacrer aux contacts humains et au suivi. Ils doivent de plus en plus s’investir dans les tâches administratives, l’autonomie et les contrôles. Le travail social signifie avant toute chose un travail axé sur les relations avec l’humain, et non avec un ordinateur.
Le CPAS doit se donner les moyens d'offrir effectivement à chaque usager du CPAS l'accompagnement individualisé réel d’un référant unique.
Merci pour vote écoute.