Plan d’austérité à la Citadelle : les travailleurs déterminés à aller jusqu’au bout

Plan d’austérité à la Citadelle : les travailleurs déterminés à aller jusqu’au bout

15 février 2018

Depuis deux mois, la direction de l’hôpital de la Citadelle essaye d’imposer un plan d'austérité de 11 millions d’euros dont la moitié serait portée par les travailleurs et les patients. Au départ ce plan prévoyait notamment la suppression de 35 équivalents temps plein, une diminution de la prime de fin d'année et la suppression de la prime pour prestations inconfortables (11 % du salaire). Mais depuis le début les travailleurs refusent qu’eux-mêmes et les patients soient les victimes de cette politique antisociale. Si la direction ne fait pas complètement marche arrière lors de la prochaine réunion de négociation le 20 février, le personnel partira en grève le 21, 22 et 23 février.

Cela a commencé par des arrêts de travail spontanés et une grève lors de l'annonce du plan d'austérité, suivis d’une manifestation de 1000 personnes, puis deux journées de grève. Depuis l'annonce du plan d'austérité, les organisations syndicales organisent systématiquement des assemblées générales en front commun pour informer le personnel et le consulter, permettant ainsi l'expression d'un ras-le-bol du personnel et le développement d'un rapport de force contre la direction.

Rapidement, ce rapport de force a provoqué quelques pas en arrière et quelques hésitations de la direction. Elle a modifié légèrement son plan en accordant quelques concessions et en tentant de diviser les travailleurs. Après trois journées de grève et une manif, la direction proposait de transformer 50 CDD en CDI et revenait partiellement sur ses attaques contre la prime de fin d'année. Concernant la « prime de 11 % pour prestations inconfortables », la direction tente de diviser le personnel. Elle envisage la suppression des 11 %, qui seraient remplacés par un autre système : un forfait de 6 % pour certaines catégories de personnel (brancardiers, stérilisation, coronographie…) et un sursalaire en fonction des prestations inconfortables pour le personnel soignant (20% le soir, 30% la nuit en semaine, 45% le samedi et le dimanche et 50% les jours fériés avec aussi une prime de 15% pour le travail effectué entre 6h30 et 7h30 le matin). Pratiquement tout le monde y perd, certains plus que d’autres.

Les organisations syndicales ont présenté ce plan aux travailleurs mais cette stratégie de la division pour imposer l'austérité ne fonctionne pas. Les travailleurs l'ont rejeté en bloc en défendant le mot d'ordre « pas un euro d'économie sur le dos des travailleurs et des patients ». A l’assemblée du 14 février, ils ont lancé un ultimatum à la direction.

L'hôpital est en bonne santé et est assis sur un trésor de guerre

En fait, il n'y a aucune bonne raison raison de faire des économies sur le dos des travailleurs à la Citadelle. L'hôpital est en bonne santé financière. Non seulement la structure était bénéficiaire lors de, mais en plus elle reverse des dividendes à ses actionnaires, c’est-à-dire les 16 communes et la Province de Liège.

De plus, elle possède une réserve financière importante, soit 65 millions €[i] . Si la direction veut faire des économies, c'est dans ce coffre-fort qu'elle doit puiser. C'est un véritable trésor de guerre auquel elle refuse de toucher. Et si elle veut multiplier ses sources d'approvisionnement financier, alors elle peut aussi aller chercher l'argent chez les directeurs ou chez les politiciens qui s'enrichissent au travers du conseil d'administration. 

La direction et les politiciens se portent bien

Car la direction aussi a les poches pleines. Contrairement au personnel ouvrier, technique, administratif et soignant de l'hôpital, le pouvoir d’achat des 8 directeurs n'est absolument pas un problème. A eux seuls, ils se partagent, selon les chiffres de 2015 sur lesquels nous avons pu mettre la main, 1 074 818 €, sans compter les voitures de fonction...

Même chose au niveau des politiciens. Les 12 administrateurs du bureau permanent du conseil d'administration se partagent, pour quelques réunions par an, 307 835 €. Un peu comme chez Publifin, donc. Et pendant que ces politiciens encaissent leurs jetons de présence et acceptent les plans de la direction, la majorité PS-CDH de la Ville de Liège a refusé de discuter, malgré l'urgence de la situation, la motion présentée par le PTB au conseil communal. Qu'à cela ne tienne, le PTB reviendra à la charge lors du prochain conseil communal le 26 février pour forcer chaque parti à se positionner publiquement, et demander à ceux qui ont avalisé le plan d'économies de la direction, de revenir sur leurs positions.

L'ombre du plan « réseau » de Maggie de Block

Pourquoi la direction se tait-elle  dans toutes les langues sur sa réserve de 65 millions € ? Vraisemblablement car elle veut s'en servir pour peser dans les négociations en cours entre les différents hôpitaux dans le cadre du plan de mise en réseaux de la ministre libérale Maggie De Block. L'objectif de ces réseaux est de faire des économies, dit-elle. En réalité, elle veut instaurer une logique de rentabilité et de marché au lieu d’une logique de service à la population. La ministre veut pousser les hôpitaux à se rassembler et à supprimer les services dont ils ne sont pas « spécialistes ».

En validant le budget et donc le plan d’austérité, les politiciens du Conseil d'Administration du CHR sont rentrés dans la même logique que ce gouvernement, qu’ils qualifient par ailleurs d’anti-social ! Bel exemple d'enfumage et de double discours ! En se cramponnant à ses réserves, la direction entend peser sur les négociations pour se présenter comme le pôle principal du futur réseau, dont ferait aussi partie le CHU. Cette logique ne servira pas les travailleurs. Ni ceux des hôpitaux qui deviendraient « satellites » du CHR-CHU (comme éventuellement le Bois de l'Abbaye qui est dans une situation financière inquiétante) ni ceux du CHR. Car rien ne garantit que ce sont les travailleurs du CHR que l'on conserverait. Et rien ne garantit aux travailleurs des hôpitaux qui seraient mis dans le réseau dirigé par le CHR qu'ils garderaient leurs emplois.

Cette logique de réseau sera néfaste pour tout le monde, sauf pour le gouvernement et sa logique de marché. Les travailleurs n'ont rien à y gagner. Au contraire. Ils ont tout intérêt à maintenir fermement leur mot d'ordre « pas un euro d'économie sur notre dos et celui des patients » pour faire reculer la direction. Ils ont tout intérêt à demander au monde politique de prendre ses responsabilités et de refuser lui aussi de rentrer dans cette logique de marché.

D’autres choix sont possibles

De la même façon qu'ils refusent de rentrer dans le jeu malsain de la direction qui veut diviser les travailleurs pour imposer ses économies, les travailleurs ont tout intérêt à éviter ce jeu de la ministre qui consiste à mettre les hôpitaux, et donc les travailleurs, en concurrence les uns avec les autres. Ils pourraient ainsi arriver à pousser la direction et les politiciens du conseil d’administration à s’opposer, eux aussi, aux plans d’austérité de Maggie De Block. Et à revendiquer un refinancement des soins de santé, qui donne au personnel les moyens humains et financiers d’assurer des soins de qualité et de proximité.

Il y a moyen de trouver des marges dans la sécurité sociale tout en maintenant la qualité des soins et sans mettre la pression sur le personnel. La généralisation du modèle kiwi (qui organise des appels publics d’offre à l’échelle nationale pour l’achat de médicaments, de matériel médical, d’appareils d’imagerie médicale et de laboratoire) rapporterait au moins 2 milliards d’euros. On peut également économiser près de 2 milliards d’euros sur les rémunérations faramineuses des spécialistes, en généralisant le système de rémunération des hôpitaux universitaires. Enfin, éviter les examens superflus dans les hôpitaux en supprimant le « paiement à la prestation » rapporterait 0,8 milliard d’euros.

Les travailleurs de la Citadelle sont sur la bonne voie. Ils ont d'ailleurs le soutien de plusieurs autres délégations d'hôpitaux et de nombreux citoyens. En continuant à défendre fermement leurs revendications sans reculer d'un pouce, ils peuvent pousser la direction à faire complètement marche arrière. Le chemin pour y arriver est clair.

 

Damien Robert, président provincial du PTB Liège

 

[i] Voir le rapport de gestion 2016 approuvé par le CA.