L’explosion des prix de l’énergie fait redouter un hiver difficile à beaucoup de ménages. On parle d’une facture qui pourrait encore augmenter de plus de 100€ alors qu’elle a déjà augmenté de 150€ avec l’augmentation de la TVA décidée par le gouvernement Michel. Nous et nos enfants risquons de payer cher l’incompétence de la ministre MR Marghem et son incapacité à préparer une véritable transition vers un mix énergétique renouvelable et sans nucléaire. A cause de la libéralisation du secteur votée par les 4 partis traditionnels (PS, MR, Cdh et Ecolo), nous sommes aujourd’hui complètement dépendants de la multinationale Engie-Electrabel pour anticiper les besoins énergétiques de la Belgique et éviter tout black-out. Le débat doit bien sûr se poursuivre aux niveaux fédéral comme régional sur les responsabilités de nos gouvernements. Mais à la veille d’élections communales et provinciales, le PTB veut avancer le rôle des pouvoirs locaux dans la mise en place de solutions efficaces pour reprendre en main le secteur énergétique et planifier la transition écologique de notre ville. C’est aussi le meilleur moyen de refuser le chantage d’Electrabel & co qui décident de la politique énergétique du pays en fonction uniquement de leurs super profits. Le PTB veut remettre sur une pied une SOCOLIE du XXIe siècle, une société coopérative liégeoise d’électricité comme elle a existé jusque 1978 dans sa forme coopérative communale mais orientée vers la production d’électricité verte et renouvelable.
1. Pourquoi une SOCOLIE du XXIe siècle est nécessaire ?
Les centres urbains consomment de grandes quantités d’énergie. La Ville de Liège consomme chaque jour en moyenne 12,5 GWh (Gigawattheures), toutes énergies considérées. Comme l’a rappelé Boulie Lanners dans son interpellation citoyenne au conseil communal liégeois, nous sommes assis sur une poudrière qui risque de nous péter à la figure. La centrale de Tihange toute proche doit définitivement fermer et au plus vite. Au lieu de rester spectateur et de suivre les débats sur la nécessaire transition énergétique de loin, la ville de Liège doit prendre ses responsabilités et fonder elle-même un outil capable de produire un mix énergétique alternatif renouvelable et susceptible de répondre aux besoins de la ville. Cet outil nous le concevons comme une coopérative communale liégeoise de production d’énergie, une SOCOLIE du 21e siècle.
La SOCOLIE a eu une riche histoire de 150 ans qui s’est achevée par la privatisation de la SPE en 2000, SPE devenue en 1978 un regroupement de plusieurs intercommunales de productions d’électricité dont la SOCOLIE liégeoise. Véritable entreprise industrielle, la Socolie produisait encore en 1989 l'énergie électrique nécessaire à la population et à la petite industrie de la ville de Liège et d'une grande partie de la province. Soit une clientèle de près de 800.000 habitants pour 2,5 millions de kWh consommés en 19891. Liège a donc connu une longue période de maîtrise de sa production d’énergie avec notamment les six centrales hydro-électriques installées sur la Meuse et les deux centrales Turbine-Gaz-Vapeur à Angleur et à Monsin. Ces outils sont aujourd’hui propriété privée d’EDF Luminus et la ville de Liège n’a rien eu à redire lorsque l’on a fait le choix de fermer l’unité thermique de Monsin en 2013. Aujourd’hui, nous souhaitons que la ville, avec d’autres communes de l’agglomération, se lance dans la reconquête du secteur énergétique sur les multinationales en remettant sur pied sa propre coopérative de production d’énergie.
En Allemagne plusieurs villes et agglomérations le font déjà. L’exemple de Munich est sans doute le plus parlant. Dès les années 2000, Munich se lance un défi de taille : fournir aux habitants une énergie verte d’ici 2015 et atteindre l’autonomie énergétique en 2025. Dans la foulée, la ville se dote d’un important parc solaire et éolien. Des technologies respectueuses de l’environnement, qui lui permettent d’assurer sereinement sa décarbonisation. Les résultats sont encourageants puisqu’en mai 2015, la SWM, société publique locale qui gère l’approvisionnement énergétique de l’agglomération, produit suffisamment d’énergie issue de la filière renouvelable pour subvenir aux besoins de ses 750 000 foyers2.
Plus près de chez nous, Ebem est une entreprise d’énergie entièrement aux mains de la commune de Merxplas, près de Turnhout, et investit pleinement dans l’énergie durable.
2. Quels champs d’intervention pour la SOCOLIE du XXIe siècle ?
Investir dans des réseaux de chaleur urbains et dans la production décarbonée d’hydrogène
Le PTB souhaite donc que la Ville prenne l’initiative au niveau de l’agglomération afin de développer des projets pilotes en matière de conversion de l’énergie en gaz. Des usines pourraient devenir durant l’hiver des poêles durables pour chauffer les logements et les bureaux sans que ne soit rejetée la moindre molécule de CO2 : chaque jour dans les zonings, on galvaude bien plus de chaleur que n’en consomment tous les Liégeois ensemble. Nous devons à terme mettre fin à ce gaspillage, en développant un réseau urbain circulaire de chaleur qui associera à la demande de chaleur en ville les excédents d’industrie comme InBev à Jupille, ou dans l’agglomération les cimenteries et les industries métallurgiques (ou inversement les alimenter à la place du gaz). C’est avec un tel réseau urbain que la moitié des Danois, dont la totalité des Copenhagois, reçoivent de l’eau chaude à domicile pour se chauffer. Plus de 10 % de la population européenne se chauffe de cette manière, en premier lieu dans des capitales comme Prague, Londres et Paris. Moins loin, nous pouvons nous inspirer du campus du Sart-Tilman qui utilise un tel réseau de chaleur. Long de 24 km, il dessert à travers la colline 60 bâtiments dont l’imposant CHU que fréquentent des milliers de patients, étudiants et chercheurs. L’ULiège a encore investi en 2011 dans une nouvelle chaufferie haute performance à cogénération biomasse (pellets de bois), à la place du gaz et du fuel. Ses émissions de CO2 ont rapidement chuté des deux tiers. Il y a plus de 40 réseaux de chaleur en Wallonie mais la plupart sont petits (moins d’un km).
Le réseau Waterstofnet à Anvers expérimente également cette option en produisant de l’électricité par une pile à combustible stationnaire. Le volume intérieur de l’enceinte de confinement d’un seul des trois réacteurs de la centrale nucléaire de Tihange conviendrait au stockage d’hydrogène nécessaire à la consommation de Liège. Tihange peut se reconvertir et devenir une solution aisée pour Liège dans le stockage de cet hydrogène.
Le vent et le soleil ne tiennent pas compte de la demande d’énergie, alors que la fourniture continue d’électricité est précisément d’une importance cruciale pour les gens et les entreprises. Nous avons donc besoin de solutions pour pallier les pics et les chutes. C’est possible en transformant les excédents d’électricité en hydrogène. Cette technologie porte un nom : power to gas. On peut stocker de l’hydrogène et, en cas de pénurie d’électricité, le réutiliser pour en faire du courant. De la sorte, nos zonings se mueraient en d’énormes batteries qui pallieraient de façon fiable les caprices du soleil et du vent. L’hydrogène est également le tremplin vers une économie circulaire. Avec lui, on peut transformer du CO2 en méthane et en méthanol, des matières premières de base pour l’industrie où l’on peut fabriquer des produits de haute qualité. Nos industries comme aspirateurs de gaz à effet de serre, peut-on rêver mieux ?
Investir dans l’éolien, en installant notamment deux mâts sur l’île Monsin
Concernant l’éolien, il est clair que ce type d’énergie renouvelable trouve moins sa place en ville, pour des raisons de nuisance sonore, visuelle et territoriale. C’est la raison pour laquelle nous exigeons que le gouvernement fédéral investisse dans le grand potentiel que représente un parc offshore en Mer du Nord, à l’image du Danemark et du Royaume-Uni. Liège comme l’ensemble du pays pourrait en profiter. Cependant, il y a tout de même quelques opportunités à Liège : Luminus a réalisé en 2017 une étude de faisabilité en vue d’implanter des éoliennes sur le site de l’île Monsin. Deux ou trois mâts peuvent sans problème y être installés, ce qui réduirait les coûts énergétiques du zoning ou alimenterait en électricité 1000 à 2000 ménages par éolienne. Il faut profiter que le CoDT (Code de développement territorial) en encourage l’installation pour en disposer également sur d’autres sites comme le zoning de Renory, sans toutefois le faire sous-traiter par des partenaires privés mais bien directement par la SOCOLIE ou par la société publique Elicio, qui a plusieurs projets en cours comme à Juprelle et Ans.
Investir dans le photovoltaïque et le solaire en couvrant un maximum de toits de panneaux à commencer par les bâtiments publics
La SOCOLIE du XXIe siècle y investira elle-même, en premier lieu au profit du photovoltaïque via des panneaux solaires et photovoltaïques sur les bâtiments des services communaux et sur les toits étendus des habitations ou entreprises de la ville. L’énergie solaire présente selon plusieurs études un excellent potentiel urbain. Couvrir toutes les toitures de Liège de panneaux photovoltaïques produirait plus de 4000 GWh par an d’électricité, soit la consommation annuelle d’un million de ménages. Des façades pourraient aussi accueillir des panneaux : la rénovation de la Haute École de la Province de Liège aurait pu doter le bâtiment de vitres pas seulement teintées mais aussi photovoltaïque translucide. On peut aussi imaginer disposer ce type de panneaux le long de certaines pistes cyclables, qui auraient fait de plus de bons pare-soleil ou pare-vent. Mieux encore : les murs anti-bruits le long des autoroutes sont tout indiquées pour devenir également des panneaux photovoltaïques, comme c’est le cas le long de l’autoroute autour de Bois-le-Duc (Den Bosch) aux Pays-Bas. Des mini-éoliennes avec un petit panneau solaire à leur sommet peuvent y être également disposées pour profiter du vent produit par les voitures, comme actuellement à Istanbul en Turquie : elles peuvent produire jusqu’à un kilowatt par heure. Ce serait énorme s’il y en avait des centaines à la suite l’une de l’autre. Si la créativité écologique s’empare de notre Cité, nous pourrons approvisionner tous les ménages liégeois en énergie solaire, voire également les communes avoisinantes.
3. En résumé
Il ne faut pas craindre d’investir dans la transition énergétique vers le photovoltaïque, l’éolien, les réseaux de chaleur et l’hydrogène. Les énergies renouvelables présentent un taux d’emploi supérieur à l’extraction de matières fossiles pour notre région puisqu’ils seront inévitablement locaux. Une étude allemande de l’Institut Fraunhofer note même que l’inaction serait bien plus chère que la nécessaire transition énergétique en Belgique. En réunissant les divers vecteurs énergétiques, les réseaux d’énergie mêmes et l’économie d’énergie au sein d’une seule entreprise publique, nous ouvrirons la voie à une politique énergétique verte et efficiente. L’intégration est la clé qui permet de profiler la production parfois capricieuse d’énergie verte, nous enseignent les villes allemandes et danoises déjà engagées dans ce processus. Une autre clé est la participation de la population qui, finalement, a son mot à dire sur sa propre énergie. La SOCOLIE nouvelle génération empruntera résolument la voie de l’énergie renouvelable.
|1| : Vanesse, M. Emprise sur le monopole privé de l’électricité : Fer de lance, Socolie a 800 000 clients, dans Le Soir du 23 juin 1990. En ligne.
|2| : http://www.regardssurlaplanete.com/article/munich-ou-le-pari-des-energies-renouvelables_a7864/1