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De belles promesses sans financement. Réaction de Sophie Lecron à la déclaration de politique communale

De belles promesses sans financement. Réaction de Sophie Lecron à la déclaration de politique communale

Ce mardi 5 février Sophie Lecron, cheffe de groupe PTB au conseil communal de Liège, a réagi à la déclaration de politique communale de la majorité PS-MR. Sans surprise, mais avec la volonté de mener le combat pour une ville de Liège sociale et durable, le PTB a voté contre cette DPC en regrettant principalement le manque de financement pour les politiques sociales mais aussi le manque d'ambition pour sanctionner les gros pollueurs sur le territoire de la ville de Liège.

Beaucoup de belles promesses sans financement. Intervention de Sophie Lecron

C’est fou comme les discours changent en 6 ans. Certes, le PS a changé de partenaire mais si je compare la déclaration de politique communale de 2019 à celle de 2013, je constate que le logement est passé en top-priorité en 2019 alors qu’il ne faisait même pas un chapitre particulier en 2013. Je me souviens encore de l’ancien collège s’énervant sur nos premières interpellations sur les logements sociaux en nous rétorquant qu’elles n’étaient pas de compétence communale. Je suis donc contente que la pièce est tombée dans un certain nombre de cerveaux et que la réponse à la crise du logement à Liège est devenue une urgence sociale de premier plan.

J’ai donc lu ce chapitre avec beaucoup d’attention. Atteindre 10 % de logements publics dans 6 ans en construisant 4000 nouveaux logements. Soit en moyenne 666 logements par an. Je dois préciser que la déclaration ne précise pas de calendrier ni même d’échéance finale. Par contre, je sais que la portée d’une déclaration de politique communale est bien de six ans. Et donc je vais prendre au mot le collège. Construire 666 logements publics par an alors que le rythme actuel n’est que de quelques dizaines, autant dire que c’est un saut qualitatif important. Mais à lire les propositions pour y arriver, je dois dire que cela s’apparente à des promesses électorales sans lendemain. Ce ne sera pas la première fois que l’on promette d’atteindre ces 10 %. PS et Cdh l’ont déjà promis à maintes reprises à la région ou lors de la précédente mandature communale. Bien sûr, nous serons prêts à vous soutenir pour exiger des autorités régionales le financement nécessaire des sociétés de logements social et public. Mais nous vous demandons de la cohérence. A vous, élus du PS et du MR, qui siégez ou qui allez siéger à la région d’avoir les mêmes exigences.

Venons-en aux outils que vous proposez. La régie foncière est un bel outil au service de la rénovation urbaine mais il ne sera pas l’outil nécessaire et suffisant pour la construction des 4000 logements publics. Idem pour les propositions d’habitats groupés et de « Community Land Trust ». Par contre, nous pouvons soutenir la proposition de « développement d’un véhicule financier permettant de mobiliser l’épargne populaire pour développer les logements publics. » et nous vous rappelons par ailleurs une autre proposition similaire que avions soumise au PS lors des négociations : mobiliser les fonds de pensions publiques « Ogeo Fund » pour de tels projets sociaux en lieu et place des investissements dangereux et parfois douteux que le fond a entrepris par le passé.

Deux outils qui manquent et qui sont pour nous nécessaires pour être sûr d’atteindre au moins les 10 % de logements sociaux et les 20 % de logements publics : un qui ne coûte rien aux finances communales et un autre plus coûteux mais qui constitue un investissement d’avenir.

Le premier c’est cette mesure simple et efficace : imposer 30 % de logements sociaux et publics dans les grands projets immobiliers.. Pour la construction des kots, vous annoncez une mesure similaire mais avec moins d’ambition : 10 % de kots sociaux pour les grands projets privés de plus de 40 kots. L’établissement d’un « « Plan Prioritaire d’Implantation du Logement » - comme vous le proposez – permettra d’identifier le potentiel de grands projets immobiliers à venir sur le territoire de la Ville de Liège et d’imposer à ses grands projets une vraie mixité sociale et une participation au renouveau social de la ville en échange de beaux terrains à bâtir.

Le deuxième outil qui manque, c’est la mise en place d’une coopérative liégeoise du logement : une coopérative qui rassemblerait les institutions publiques (SPLP, Régie, AIS, …) et les coopérateurs, futurs locataires ou propriétaires de leur logement ; une coopérative qui mobiliserait aussi l’épargne populaire comme vous l’annoncez dans votre déclaration. Sur le modèle viennois, cette coopérative permettrait de rassembler tous les acteurs du logement social et public et deviendrait un vrai outil de construction et de rénovation de logements. Nous pensons que c’est un outil indispensable si la ville souhaite véritablement atteindre le seuil des 10 %.

Autre défi important, mais celui-là est toujours relégué dans les derniers chapitres : la lutte contre la pauvreté. Bien sûr, on ne peut que se réjouir de la volonté du collège de créer au CPAS un fonds pour les cautions locatives. Par contre, promettre que vous allez « garantir au CPAS les moyens nécessaires à l’exercice de ses missions essentielles au service des personnes en difficulté. » et « étudier les moyens de diminuer le nombre de dossiers à gérer par assistant social. » cela ne mange de pain. Allez-vous concrètement augmenter la dotation du CPAS ? Allez-vous embaucher de nouveaux assistants sociaux ? Y-a-t-il besoin d’une étude pour savoir que le CPAS est sous-financé et que les AS croulent sous des charges de 120 dossiers par agent ?

Dans le chapitre « social », une autre revendication du même acabit « l’instauration d’un avantage communal d’un montant à définir, par an et par enfant, au bénéfice des familles domiciliées sur le territoire communal » : c’est ce qu’est devenue la promesse électorale du PS de 50€ par ménage après son mariage avec le MR.

Globalement, tout ce chapitre est pavé de bonnes intentions mais aucun budget n’est annoncé. Et comme David Ambrosio vous le disait hier, les politiques d’appels à projets à enveloppe fermée ne suffiront pas à vaincre la pauvreté. Au précédent conseil communal nous vous demandions votre plan pour faire de Liège une ville zéro-SDF. Et à lire votre déclaration de politique générale, on a du mal à le voir. Vous nous renvoyez à « un nouveau Plan liégeois de lutte contre la pauvreté à construire avec tous les acteurs de terrain. » Fort bien. Mais quel est le bilan du précédent plan ? Il faut un financement structurel de la politique de lutte contre la pauvreté. Et vous ne l’annoncez pas. Je crains que dans six ans, on se retrouve pour tirer les mêmes constats.

Autre thème : la mobilité et les enjeux environnementaux et climatiques.
Je ne vais pas refaire le débat sur le PUM, mais je vais quand même redire que les propositions avancées par le GRACQ et reprises dans la DPC constituent une vraie avancée. Je pense que Liège est sur la bonne voie pour devenir une vraie ville cycliste, en tous les cas dans les intentions. Il faut maintenant le faire… Bien et vite. Par contre, mon enthousiasme est moins grand quand je lis votre discours sur la piétonisation.

Pour nous, la piétonisation doit se coupler à des mesures socialement inclusives de renforcement des transports publics et de contrôle du marché immobilier, pour éviter qu’il ne transforme pas le centre-ville en centre commercial à ciel ouvert, comme le conçoit la logique du « city marketing ». Or, à lire par exemple – je vous cite - « Nous veillerons à assurer un cadre convivial et accessible au plus grand nombre de chalands possibles, notamment en poursuivant la piétonisation de notre hypercentre et des quartiers dans lesquels une polarité commerciale existe. », je me dis que le collège PS-MR est toujours dans cette même logique libérale du city-marketing. Logique que l’on retrouve à plusieurs reprises lorsqu’il s’agit de renforcer l’attractivité territoriale de Liège et les mesures associées au city-branding « LiegeTogether »…

Mais revenons à la mobilité et surtout à la politique de stationnement. Je dois dire que je suis contente de lire que c’est seulement « à l’horizon de la mise en service du tram de manière à offrir des alternatives aux usagers, (que) nous étendrons la zone de stationnement payant actuelle pour garantir l’utilisation de ces P+R mais aussi réduire la pression dans les quartiers. » Il s’agit, comme nous l’avons toujours défendu, d’offrir d’abord des alternatives à la voiture avant d’entrer dans des logique de stationnement payant. Dommage que le collège ne s’exprime pas sur l’opportunité de mettre à l’étude la gratuité du réseau TEC à l’échelle de l’arrondissement de Liège, étude qui sera vraisemblablement commandée à Bruxelles pour le réseau STIB. Par contre, je suis plus inquiète avec l’annonce d’une zone de basse émission sans accompagnement social. Je partage qu’à terme, on doit arriver à ce genre de décision, mais il faut très certainement accompagner progressivement ce genre de décision par des mesures sociales. Autrement, on risque de retomber dans une logique d’écologie punitive qui éloigne le travailleur du combat environnemental et climatique, particulièrement ceux qui n’ont fait que suivre les incitants fiscaux en achetant des diesel...

Enfin, si je peux souscrire à la majorité des propositions en terme de lutte contre la pollution et le réchauffement climatique, je ne suis qu’à moitié étonnée de ne retrouver aucune mesure pour sanctionner les entreprises polluantes, qui se trouvent notamment sur l’île Monsin et auquel il serait temps aussi d’appliquer le principe de « pollueur-payeur ». Certes les mesures d’éducation permanente et les gestes individuels sont importants. Mais tout le sens des mobilisations des jeunes pour le climat est de dire qu’il faut s’attaquer au système, aux modes de production. 300 multinationales sont responsables de 40 % de la production de CO2 en Belgique. Que compte faite la Ville de Liège vis-à-vis de celles présentes sur son territoire ? A vous lire, rien.

Un dernier mot sur le budget participatif. C’est une avancée. Mais un million d’euros pour tous les quartiers de Liège, cela fait 40.000€ pour chacun des 25 comités de quartier. Autant dire que ça restera de petits projets. Espérons en tous les cas que les processus participatifs qui seront mis en œuvre laisseront vraiment la liberté aux citoyens de choisir un projet qu’ils souhaitent pour leur quartier et que cela donnera goût aux Liégeois comme au collège aux plaisirs de la démocratie participative. Pour notre part, nous continuons à défendre qu’ouvrir un pourcentage significatif du budget extraordinaire – 10 % - à la délibération des Liégeois est la bonne voie à suivre à terme.

En synthèse, cette déclaration - sans les mesures budgétaires qui l’accompagnent - s’apparente à de belles promesses. Si beaucoup de mesures peuvent recevoir le soutien du PTB, l’absence de mesures efficaces - surtout en terme de financement - pour le logement comme pour la lutte contre la pauvreté nous éloigne de cette déclaration. D’autant plus qu’avec le MR, la marchandisation de Liège comme ville risque de s’accélérer. Nous ne partageons pas la logique d’attractivité territoriale dans un contexte de compétition entre villes comme décrite à plusieurs moments dans la déclaration. Sans surprise, mais avec la volonté de mener le combat pour une ville de Liège sociale et durable, nous voterons contre cette déclaration de politique communale.