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Quelle place pour le livre dans la future bibliothèque du pôle Bavière ?

Quelle place pour le livre dans la future bibliothèque du pôle Bavière ?

A l'occasion du conseil provincial de ce jeudi 2 juillet, les conseillers PTB Catherine Lacomble et Rafik Rassaa ont interrogé le collège quant à la place du livre dans le futur pôle Bavière : « Les rayons de la bibliothèque des Chiroux qui se vident, et les récentes opérations de « bookcrossing » et de dons de livres, suscitent désolation, crainte et émoi parmi bon nombre d’usagers de la bibliothèque et de professionnels du secteur. Que l’on prépare des caisses pour un déménagement est bien naturel et compréhensible. Mais la crainte porte sur la destination de ces caisses. Seront-elles toutes acheminées vers la nouvelle bibliothèque du Pôle Bavière ? » La suite de la question d'actualité est à lire dans l'article.

Question d'actualité de Catherine Lacomble et Rafik Rassaa

Les opérations dites de « désherbage » ou « d’élagage » sont habituelles dans les bibliothèques. C’est même un gage de la bonne tenue d’un catalogue lorsque ces opérations de déclassement sont associées à la planification de nouvelles acquisitions. En 2018, par exemple, la Bibliothèque des Chiroux avait acquis 19.898 livres (et 7.623 médias) pour 12.549 livres désherbés (et 5.345 médias désherbés). Mais nous savons que le désherbage en cours est d’une toute autre ampleur. A l’occasion du vote, en juillet 2021, relatif à un don de livres à l’entreprise sociale et solidaire Recyclivre, le PTB avait été bien seul à dénoncer la quantité incroyable d’ouvrages dont se séparait la bibliothèque des Chiroux : pas moins de 157.878 documents, sur les 347.805 documents actuellement en libre accès. Ce n’était plus un désherbage, mais bien un herbicide, pour ne pas dire un libricide ou un autodafé.

Un document monographique officiel existe pourtant en Fédération Wallonie-Bruxelles, dont la fonction est d’offrir des directives en matière d’élagage et de retraits au sein des collections de nos bibliothèques publiques. Ce guide, remis à jour en 2020, explicite les dispositions prévues par le décret du 30 avril 2009 portant sur le développement des pratiques de lecture organisé par le Réseau public de la lecture et les bibliothèques publiques. Il reconnaît la nécessité et l’utilité d’un élagage bien pensé, a fortiori à « l’âge de l’accès » induit par l’internet et les techniques modernes de transferts des informations. Cependant, en aucun cas il ne s’agit de recommander un simple écartement des ouvrages « papier » au profit de supports électroniques. Il préconise plutôt la création d’un « dépôt centralisé », destiné à recueillir les anciens ouvrages des bibliothèques dont l’usage a diminué, mais qui peuvent toujours faire l’objet d’une demande par l’intermédiaire du prêt interbibliothèques. Pourquoi de tels choix n’ont pas été privilégiés ? Combien de livres et de médias retourneront à la bibliothèque centrale à Grâce-Hollogne ?

Le collège s’est défendu de tout a priori négatif face au livre, en arguant dans les médias qu’on ne pouvait lui faire aucun procès d’intention à ce sujet, puisque, avec 8.000 m², la surface totale dédicacée au Centre de Ressources sera plus grande sur le site de Bavière que ce n’était le cas aux Chiroux. Pourtant, la vérité est que la bibliothèque des Chiroux couvre aujourd’hui une superficie de 9.500 m², de sorte que la question se pose malgré tout de savoir si les choix posés en matière de gestion des collections n’ont pas été déterminés par des considérations architecturales à la défaveur de l’espace réservé à la bibliothèque. Sachant que la superficie du Pôle Bavière en entier s’élève, elle, à 15.000 m², doit-on déduire que le centre de ressources (censé remplacer la bibliothèque) a été comprimé au profit de la « Pépinière d’entreprises » (dédiée aux métiers de l’écriture et du numérique) et de « l’Exploratoire des Savoirs » (consacré à la création artistique) ?

La transformation des bibliothèques en « troisième lieu » ne s’est pas toujours faite dans le sens d’une démocratisation des accès à la connaissance, ni dans le sens d’une socio-construction des savoirs nécessaire à une démocratie culturelle. Plusieurs antagonismes sont à résoudre dans ce type d’opération (je cite Raphaël Besson, chercheur CNRS français), entre « science/savoir, culture numérique/culture écrite, approche conceptuelle/approche expérimentale, espace de réflexion/espace de sociabilité, lieu institutionnel/lieu alternatif, société de la connaissance (les communs) / économie de la connaissance (le marché) ». Comment la future bibliothèque sur le Pôle Bavière résout-elle ces antagonismes ? Vaste question, certes, mais peut-être le collège pourra-t-il déjà répondre à ces questions-ci, plus précises :

  • Les opérations de déménagement en cours ont-elles pris en compte les recommandations officielles formulées dans le document de la Fédération Wallonie-Bruxelles portant sur la politique d’élagage et de retraits au sein des collections des bibliothèques publiques ?
  • Quelle sera la place, en m² et en pourcentage du total de la superficie, dédiée aux livres et aux documents écrits dans la future bibliothèque ?
  • Comment s’articuleront les espaces clos, protégés, des divers ateliers, animations et autres « fablabs », et les espaces ouverts, lieux de socialisation, d’expérimentation et de créativité ? Des espaces calmes, propices à la lecture et à la réflexion, existeront-ils encore et dans quelle proportion ?
  • Enfin, après ce désherbage « géant », combien d’acquisitions nouvelles sont-elles prévues, en livres et en médias ?

D’avance merci pour vos réponses.