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Sophie Lecron sur la hausse des taxes à Liège : les Liégeois ne sont pas des vaches à lait

Sophie Lecron sur la hausse des taxes à Liège : les Liégeois ne sont pas des vaches à lait

Au conseil communal de ce lundi 21 octobre 2019, l'augmentation des taxes décidée par le collège PS-MR était soumise au vote. La cheffe de groupe PTB, Sophie Lecron, a pris la parole pour défendre le portefeuille des Liégeois.es et une taxation juste qui respecte notre environnement. L'échevine libérale Christine Defraigne a été rappelé à ses contradictions, elle qui rejette la responsabilité sur Intradel et qui s'offusquait il n'y a pas si longtemps de l'augmentation du précompte immobilier. Voici le texte de son intervention

Commençons d’abord par cette taxe pour laquelle vous avez été boxée, madame Defraigne, par Intradel. Je me demande ce que ça vous fait de siéger avec le président d’Intradel, présent aujourd’hui dans cette salle et assis à vos côtés. L’augmentation de la taxe poubelles est d’abord une décision du collège PS-MR. Et la décision d’Intradel d’augmenter ces tarifs n’est donc pas étrangère à ce collège puisque monsieur le bourgmestre a le plaisir de présider cette intercommunale.

Autant vous dire que cette augmentation est impopulaire et ce ne sont pas les jeux « de ce n’est pas moi, c’est lui » qui vont arranger les choses.

Cette augmentation est impopulaire parce qu’elle est importante. De 140 à 165€ pour les ménages et de 85 à 100€ pour les isolés, cela représente une augmentation de 18 %. Les sacs jaunes vont également coûter plus cher en passant de 1€ pièce à 1,50€ soit une augmentation de 50 %. Nous ne comprenons pas que les Liégeois soient dans les faits considérés comme des vaches à lait.

Cette décision est impopulaire parce qu’elle est injuste. Si elle répercute l’augmentation de 8 % sur trois ans de la facture envoyée par Intradel aux communes pour le traitement de ses déchets, c’est parce que la commune applique ce principe du « coût-vérité ». Pourquoi nous contestons ce principe du « coût-vérité » ? Primo, la notion de coût réel est en opposition avec l’idée même de service public. Nous sommes censés payer des taxes en fonction de nos revenus pour financer solidairement des services rendus à toute la population avec la même qualité et quantité. Allons-nous aussi payer le coût réel de nos tickets de train ou de bus ? Imaginons-nous payer les coûts réels de nos soins de santé ? Secundo, la production, la source des déchets n’est que très peu remise en question avec ce système. On préfère pointer le consommateur final que le producteur initial des déchets qui est responsable des sur-emballages, des produits non-recyclables ou non-réutilisables et des obsolescences programmées. Enfin, ce principe, derrière une façade écolo punitive, veut surtout offrir nos poubelles au business international des déchets. Finalement, nos cinq opérations de tri quotidiennes permettent d’offrir grâce à notre main d’œuvre gratuite la matière première à des multinationales comme Shanks, Veolia ou encore Suez Environnement et Renewi. On retrouve les deux dernières en partenariat avec l’intercommunale Intradel dans la gestion de l’unité de valorisation des déchets (UVELIA) à Herstal, des entreprises bénéficiaires et avec des chiffres d’affaires toujours en augmentation.

Je constate d’ailleurs que le collège conteste lui-même ce principe lorsqu’il dit vouloir renégocier avec la région wallonne pour tenir compte de la centralité de Liège et de son caractère de grande ville. Je vous invite vraiment à poursuivre le raisonnement jusqu’au bout. Ce principe n’est pas bon ni pour le porte-feuille des Liégeois ni pour leur environnement puisque les grands pollueurs, les véritables producteurs des déchets, échappent à la facture.

La collecte et le traitement des déchets doivent redevenir un véritable service public au service du public. L’application du coût-vérité est contraire à toute prise en compte de la réalité financière des ménages liégeois. Je tiens d’ailleurs à rappeler que le taux réduit est basé sur les revenus minimaux du chômage ou d’un bénéficiaire du RIS et que ces revenus n’atteignent même pas le seuil de pauvreté européen. Comme nous l’avons déjà défendu dans ce conseil communal, il est urgent de réformer d’une toute autre manière cette taxe urbaine en la rendant basée sur une véritable progressivité. Les problèmes de malpropreté sont aussi dus à une incapacité d’acheter de nouveaux sacs jaunes. Je ne partage pas l’avis du collège qui pointe les non-liégeois qui seraient responsables de tous les maux de Liège. Beaucoup de familles nombreuses et de ménages précarisés sont dans l’incapacité matérielle de s’acheter des sacs poubelles à 1€ et encore moins à 1,5€. S’il faut intensifier les campagnes de prévention et la sanction des dépôts d’immondices, au PTB nous pensons qu’une taxation plus juste ferait grandement baisser le problème de mal-propreté à Liège.
Bref, je pense que cette augmentation ne sera pas acceptée par les Liégeoises et les Liégeois et j’invite vraiment le collège à reconsidérer sa décision.

Venons-en aux taxes supprimées ou qui n’y sont pas.
La suppression de la taxe sur les pylônes de télécommunication est un échec. La région wallonne l’a sortie de sa nomenclature de taxes proposées dans sa circulaire en échange d’un investissement des opérateurs Proximus, Orange et Base dans l’élimination des zones blanches. Si ces investissements portent tout doucement leurs fruits dans les zones rurales, les 60 millions investis par les opérateurs privés ne résoudront pas l’élimination d’une source financière importante pour les villes et communes issues du monde économique. A Liège, 300.000€ étaient encore budgétés en 2016.
Il n’y a pas non plus de taxe industrielle compensatoire pourtant autorisée par la tutelle et la taxe sur la force motrice reste au même taux de 21,07€ par kilowatt alors qu’à Oupeye elle est de 26,5 euros par kilowatt. Sans parler des compensations du plan Marshall qui reste contestable d’un point de vue même de l’efficacité économique.

Autre nouveauté cette année, c’est l’indexation annuelle de plusieurs taxes. Si cela est autorisé déjà depuis des années par la tutelle, ce qui est surprenant c’est que l’indexation est non seulement appliquée en début de mandature mais qu’elle sera aussi désormais appliquée de façon annuelle. C’est une augmentation de 10,45 % comparé à 2013 et de 8,3 % potentiel d’ici 2025. Je me demande comment la tutelle arrive encore à parler de « paix fiscale » et surtout comment le collège peut encore assumer toutes ces augmentations ?

Pour être plus précise, toutes les taxes n’augmentent pas. En effet les deux taxes sur les parkings sont maintenus à 100€ l’emplacement. D’autant plus que cette taxe est un sujet de négociation lorsque les travaux par exemple du parking de la place de l’Yser connaissent quelques floches. On sait ménager les propriétaires de parking à la Ville de Liège.

Autre taxe qui augmente mais pour le coup insuffisamment pour être réellement efficace : je parle de la taxe sur les logements inoccupés. C’est seulement au bout de la 4e année sur le taux maximum de 240€ par mètre carré est appliqué. Nous pensons que c’est une avancée mais cela va rester insuffisant pour convaincre les propriétaires récalcitrants de remettre leurs biens en état et en location. Je rappelle que des villes comme La Louvière ont fait le choix efficace et prouvé sur le terrain de taxer au taux plafond dès la deuxième année, la première étant laissée pour enclencher la rénovation éventuelle des biens.

Enfin, je voudrais quand même aborder la question des additionnels. Globalement, cela reste toujours une injustice de constater que c’est dans les communes les plus pauvres que les additionnels sont les plus élevés. A contrario, dans des communes plus aisées, ces additionnels sont plus bas. Plus précisément, j’aimerais citer quelques mots éloquents de 2014 : « Le collège l’a proclamé : il n’y aura aucune augmentation des taxes. Hélas, il faut se rendre à l’évidence. Le précompte immobilier va passer de 2870 à 2.990 centimes additionnels ce qui porte Liège vers le haut d’un triste hit-parade. Pourtant, chacun l’a répété, nous devons affronter le défi démographique et trouver entre 11.500 et 14.000 logements. Or ici, on hypothèque l’accès au logement ! » Madame Defraigne, ce sont vos mots et je n’enlèverai rien à ces mots. La ville de Liège est donc largement au-dessus du taux autorisé par la tutelle et va continuer à sanctionner la moitié de ses habitants, propriétaires de leurs habitations.

J’espère que le collège se battra pour trouver d’autres ressources financières que dans les poches de ses concitoyens forts maigres en ces temps d’austérité. Par exemple, un refinancement substantiel du fonds des communes. Un autre débat que nous aurons à l’occasion du prochain budget.

Je vous remercie de m’avoir écouté.